Loueur en meublé : quelles conséquences fiscales en cas de donation en nue-propriété ?

L’objectif est connu. Donner la nue-propriété d’un bien permet d’anticiper la succession et ainsi de diminuer le montant des impôts qui seront dus par les héritiers. Mais lorsque le bien sur lequel porte la donation fait l’objet d’un bail en meublé, il faut conserver à l’esprit que le propriétaire est fiscalement considéré comme un commerçant à la tête d’une entreprise.

 

Or la donation d’un bien inscrit à l’actif d’une entreprise entraîne en principe des incidences en matière de plus-value (I). En outre, si la donation porte sur la nue-propriété du bien, il faut s’interroger sur la possibilité de continuer à bénéficier des amortissements (II).

 

I. Donation et plus-value


La donation d’un bien immobilier donné en location meublé est susceptible d’entraîner l’imposition d’une plus-value.


A cet égard, il faut distinguer entre les loueurs en meublé professionnels et les loueurs en meublé non professionnels.


Rappelons que les premiers se distinguent des seconds en ce :

- que les recettes annuelles tirées de l’activité de location meublée par l'ensemble des membres de leur foyer fiscal sont supérieures à 23 000 € ;

- et que ces recettes excèdent les revenus professionnels du foyer fiscal soumis à l'impôt sur le revenu.


Pas d’imposition de la plus-value pour le loueur en meublé non professionnel


Le loueur en meublé non professionnel relève du régime des plus-values immobilières des particuliers. Ce régime lui est favorable car il va pouvoir donner son bien sans avoir à s’acquitter d’un impôt de plus-value. Seules les cessions à titre onéreux entraînent une imposition, à l’exclusion des donations, mais aussi du décès du propriétaire ou encore en cas de cessation d’activité.


Et puisque la donation "purge" la plus-value latente, le donataire qui vendrait ultérieurement le bien prendra comme valeur d’acquisition, pour les besoins du calcul de la plus-value, la valeur indiquée dans l’acte de donation.


Principe d’imposition de la plus-value pour le loueur en meublé professionnel


La situation est différente pour le loueur en meublé professionnel. Cette fois, c’est le régime des plus-values professionnelles qui s’applique. Et suivant les règles qui le régissent, la donation (tout comme le décès ou la cessation d’activité) a pour conséquence d’entraîner l’imposition de la plus-value.


La note fiscale pourrait être plus salée que prévue :

- éventuels droits de donation ;

- mais aussi impôt de plus-value.


De quelle plus-value s’agit-il ? La plus-value susceptible d’être imposée porte non seulement sur l’augmentation de la valeur du bien entre le jour de l’acquisition et le jour de la donation, mais également sur la partie qui a été amortie par le donateur. C’est dire si le montant de l’impôt peut être important.


Il existe toutefois un certain nombre de mécanismes d’exonération totale ou partielle de l’impôt de plus-value. La plupart demeure néanmoins inapplicable à l’hypothèse d’une donation de la nue-propriété d’un bien donné en location meublée.


On relèvera essentiellement la faculté pour le donateur d’être totalement exonéré d’impôt de plus-value lorsque le montant annuel des recettes tirées de son activité est inférieur à 90.000 €, et partiel lorsque ce montant est compris entre 90.000 € et 126.000 €.


Les gros loueurs en meublés professionnels, excédant ces plafonds de recettes, pourront se prévaloir d’un abattement pour durée de détention aboutissant à une exonération de la plus-value dite à long terme au bout de 15 ans : concrètement, cela signifie que la plus-value qui correspond à la partie amortie du bien ne pourra pas être exonérée et sera donc toujours imposée…


II. Donation en nue-propriété et amortissements


Parmi les avantages procurés par la location meublée, figure en bonne place la possibilité pour le loueur de pratiquer des amortissements dès lors qu’il a opté pour le régime réel d’imposition des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Le loueur sera donc en mesure d’amortir les constructions et le mobilier inscrit à l’actif de son bilan. Ces amortissements étant déductibles fiscalement, l’impôt en ressort sensiblement amoindri, lorsqu’il n’est pas totalement gommé. Sans cet insigne intérêt, la location meublée aurait beaucoup moins de sens d’un point de vue fiscal.


Alors une fois la nue-propriété du bien donnée, le loueur en meublé, resté usufruitier, peut-il encore pratiquer ces amortissements ? Rappelons que c’est l’usufruitier qui perçoit les loyers, et qui est donc imposé à ce titre. Le loueur en meublé, qui n’est plus totalement propriétaire du bien immobilier, ne peut à l’évidence pas amortir l’intégralité des constructions et des meubles. A vrai dire, il n’est plus titulaire du bien immobilier, mais d’un droit d’usufruit, venu se substituer, à l’actif de son bilan, au bien immobilier et aux meubles dont la nue-propriété a été donnée. Il devrait donc être en mesure d’amortir cet usufruit.


Pourtant, la doctrine administrative dénie cette faculté au loueur en meublé resté usufruitier, ce qu’elle a de nouveau affirmé dans une réponse ministérielle du 14 décembre 2017.


Que penser de cette position administrative ? Qu’elle est éminemment contestable dans la mesure où l’usufruit constitue une source de revenus et est donc à ce titre susceptible d’être inscrit au bilan d’une entreprise. Or cet élément d’actif se déprécie par nature avec le temps. L’amortissement devrait par conséquent pouvoir compenser cette dépréciation. C’est du reste la solution admise de longue date par le juge administratif suprême.


Pour éluder cette difficulté, une solution existe : l’acquisition des biens immobiliers destinés à être loués en meublé doit être réalisée par l’intermédiaire d’une société. La nue-propriété des parts de la société pourra ultérieurement être donnée sans aucune incidence sur les amortissements jusqu’alors pratiqués, qui continueront de porter à l’identique sur les constructions et les meubles. Il conviendra toutefois de consulter au préalable un spécialiste pour appréhender les conséquences juridiques, fiscales et sociales de la location meublée par l’intermédiaire d’une société.



Cet article a été rédigé avec Aurore Guérin, avocate au barreau de Paris, associée au sein du cabinet Fondatio.


Philippe Van Steenlandt - ©2019 LaVieImmo


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